MOYEN FORMAT EN MACRO
Le premier contact
On a beau dire qu’il ne faut pas s’attacher au matériel, je me comportais comme un gosse lorsque le colis est arrivé de Scandinavie et que j’avais devant moi cette grosse boîte marquée d’un grand H !
Le premier contact avec l’appareil moyen format apporte son lot de contradictions. Le boîtier est lourd mais pas très encombrant. La prise en main est agréable grâce à une poignée très bien dessinée qui fait office d’accumulateur. C’est une bonne astuce qui permet de disposer d’une grosse batterie indispensable pour alimenter le dos numérique est très gourmand. Mais la qualité de construction du boîtier H4D ne procure pas le même sentiment de robustesse que le châssis monobloc en alliage de magnésium du Nikon D3 que j'utilisais quotidiennement en 2010. L’Hasselblad est pourtant construit en métal mais la finition n’est pas au niveau du boîtier professionnel petit format. L’appareil dispose d’un écran LCD sur le dessus de la poignée qui diffère fortement de ce qu’on trouve sur les reflex 24x36. En effet, il s’agit d’un modèle de type matriciel qui permet d’afficher tout type de texte ou de symbole en fonction du besoin. La rapidité de rafraîchissement de l’affichage est moindre mais cette solution a l’énorme avantage de permettre le développement de nouvelles fonctions sans modifier le hardware du boîtier. Cela doit être très utile pour les ingénieurs qui sont confrontés à la problématique de la production en toute petite série. L’afficheur situé en-dessous de l’image de visée reprend d’ailleurs ce même principe de matrice de points.
Quoi qu’il en soit, ce premier contact avec l’appareil inspire le respect. Cela est le résultat de l’association d’une prise en main exemplaire, d’une parfaite intégration entre le boîtier et le dos et, surtout, d’une image de visée fantastique ! Et puis, il y a les optiques...
Les optiques
Les objectifs pour les boîtiers Hasselblad de la gamme H font belle impression. Leur construction tout métal, y compris le pare-soleil, est somptueuse. A la différence du boîtier, les objectifs dégagent une impression subjective de grande solidité. Mais quelle taille ! Comparé au 105 mm Micro-Nikkor qu’il remplace péniblement (focale équivalence 24x36 d’à peine 90 mm), l’objectif HC 120 mm f/4 macro et énorme et très lourd. Mais sa bague de mise au point de très grand diamètre est très précise car elle est particulièrement démultipliée. L’objectif permet d’accéder au rapport 1:1 sans accessoire. Enfin, sa formule optique qui assure la mise au point par déplacement du bloc avant limite l’allongement de l’objectif aux rapports de reproduction élevés et limite la perte de luminosité due au grossissement (1,3 diaphragmes au rapport 1:1). A lui seul, ce 120 mm macro justifie pleinement la réalisation de ce test du matériel Hasselblad en macro !
Tous les objectifs de la gamme H présentent un aspect minimaliste puisque le seul réglage disponible sur le fût de l’objectif est la bague de mise au point. Il en est de même au niveau de l’énorme monture à baïonnette qui interface le boîtier et l’objectif uniquement à l’aide de contacts électriques.
Mais cette apparente simplicité résultant d’une conception très moderne (gamme conçue au début des années 2000) cache de nombreuses fonctions. Le diaphragme est à commande électrique. Chaque optique intègre un moteur pour l’autofocus. La retouche du point est possible à tout moment en actionnant la bague des distances. Un obturateur central est intégré dans chaque objectif. Il permet de synchroniser le flash à toutes les vitesses d’obturation ce qui peut s’avérer très utile dans certaines applications particulières de proxiphoto.
L’interface de données objectif - boîtier permet également de développer des fonctions spécifiques à certaines optiques. Ainsi, lorsque le 120 mm macro est monté sur le boîtier, une nouvelle fonction apparaît dans les menus de l’appareil. Elle permet de sélectionner des plages de mise au point afin d’améliorer la réactivité de l’autofocus.
SUR LE TERRAIN
Ma première sortie photo avec le H4D-40 m’a laissé l’étrange impression d’avoir besoin de tout réapprendre. Il faut prendre de nouvelles habitudes car l’ergonomie est très différente de celle d’un appareil petit format. De plus, l’accès aux menus du «Blad» avec ces boutons dont le rôle varie est très particulier et demande d’acquérir peu d’habitude avant d’être à l’aise avec les réglages.
Agréable surprise, je ne ressens aucune gène liée à la taille ou au poids du boîtier. Il faut dire que, lorsqu’on place côte à côte un Nikon D3 et un H4D, la différence d’encombrement ne saute pas aux yeux. Par contre, le 120 mm macro moyen format est énorme comparé à 100 mm macro 24 x 36.
Mais c’est le grand viseur du «Blad» qui m’a procuré un vrai choc sur le terrain. Quel confort et quelle précision de travail ! La très haute résolution du capteur du H4D-40 ne pardonne aucune imprécision de réglage de la mise au point. Lorsque j’ai découvert mes premiers clichés MF macro numériques, j’ai en effet constaté qu’il y avait très peu de défauts de mise au point. Quand c’est net dans le viseur, c’est net sur la photo. Et le grand dépoli permet d’apprécier facilement le réglage du point. Il est même difficile de repasser au viseur du Nikon !
La qualité d'image : un autre monde !
Les impressions ressenties sur le terrain sont importantes car elles permettent d’identifier les sujets avec lesquels un appareil moyen format sera à l’aise mais aussi les situations où le reflex 24 x 36 reste incontestablement le meilleur outil. Cependant, c’est dans le domaine de la qualité d’image que j’avais le plus d’attentes.
J’avais bien sûr suivi des démonstrations lors de salons photo mais le sujet (mode ou pack -shot) était toujours trop éloigné de mes conditions de travail en photo de nature pour que je me fasse une opinion sur la qualité d’image que je pouvais espérer obtenir en macro. L’ouverture du premier cliché dans Phocus, le logiciel de traitement des Raw Hasselblad, répond définitivement à cette question. C’est un autre monde ! Bien qu’étant habitué aux images très fines du Nikon D3x, j’ai pris une claque. La précision des détails est fantastique. Plus impressionnante encore est la qualité de reproduction des matières et des textures. Quand on zoome dans l’image, un crop à 100% est autrement plus net. Est-ce une conséquence de l’absence de filtre anti-aliasing sur le capteur ? C’est bien possible car ces filtres AA, très utiles pour éviter que des défauts colorés apparaissent sur les photos dans certains cas particuliers, ne sont rien d’autre que des filtres flous. Les images sont donc nativement plus nettes que celles des appareils qui sont équipés d’un filtre AA. Certes, l’accentuation logicielle fonctionne très bien sur les transitions franches où on retrouve beaucoup de détails dans les images 24x36. Il en est tout autre pour les fins détails qui reproduisent, par exemple, la fine texture d’une feuille. Ces détails sont tout simplement absents des fichiers 24 x 36 alors que les images du H4D les montrent parfaitement. Mieux encore, une accentuation globale de l’image dans Phocus souligne la fine structure de la feuille. Tout ceci fait qu’on voit très clairement cette différence quand on compare deux tirages 40 x 60 de deux clichés, l’un pris par le MF numérique et l’autre par un reflex 24 x 36 haute definition comme le Nikon D3x.
Le rendu moyen format
Si on met de côté la qualité de reproduction des détails, les images sont tout de même différentes. Les clichés moyen format combinent une douceur des transitions avec un sentiment de relief ou, tout du moins, de profondeur.
Vous avez peut-être fait l’expérience du passage du format de capteur APS-C au 24x36. Une des différences qui apparaît sur les clichés, c’est une transition net-flou un peu plus progressive. Ce phénomène se poursuit quand on agrandit la taille du capteur. Le passage du net au flou est bien plus progressif. Il est d’ailleurs possible que l’absence de filtre anti-aliasing participe à ce rendu car certains algorithmes d’accentuation ne sont plus utilisés.
L’autre effet qui produit une impression de profondeur est une conséquence directe de la grande taille du capteur. Pour remplir l’image, il faut grossir davantage le sujet. Les photographies sont donc prises avec un rapport de reproduction plus élevé. La profondeur de champ, qui n’est fonction que du réglage du diaphragme et du grandissement, est donc plus étroite avec un appareil moyen format. L’effet est particulièrement marqué lorsqu’on cadre large. Avec ce type de composition, un reflex 24 x 36 produira souvent un arrière-plan trop présent qui ne laissera pas le sujet s’exprimer pleinement. A l’inverse, le fond du cliché MF sera noyé dans un flou plus marqué renforcé par des transitions net-flou plus progressives et plus subtiles. C’est ce qu’on peut appeler le rendu moyen format.
Pour en profiter pleinement, il ne faut pas systématiquement fermer le diaphragme davantage avec le moyen format pour retrouver une profondeur de champ identique à celle du 24 X 36. Au contraire, je trouve que les clichés MF pris à grande ouverture sont superbes et que le rendu moyen format s’exprime pleinement si on n’hésite pas à ouvrir le diaphragme.