LES COULISSES D'UNE PHOTO
DES DÉBUTS LABORIEUX
Pensant bêtement que la tâche n’était pas délicate, j’ai d’abord choisi un matériel et un mode opératoire simples. Je me suis approché de l’ampoule qui éclaire la terrasse avec mon Nikon D3 équipé d’un 105 mm macro. Premier constat qui aurait dû me faire sentir que l’échec était proche : je me suis immédiatement retrouvé dans une position inconfortable car, pour me placer à la hauteur de l’éclairage, j’étais monté sur une chaise. Qu’à cela ne tienne, j’ai persévéré dans l’erreur ! Je croyais que la lumière produite par l’ampoule de 100 Watts serait suffisante pour immobiliser totalement les insectes en plein vol. En effet, j’ai pu accrocher le 1/8000°sec sans difficulté. Mais, malgré mes efforts, je dois reconnaître que mes premiers résultats étaient franchement nuls. D’abord, la majorité des clichés étaient totalement flous. Aucun insecte n’était dans le plan net au moment du déclenchement. Sur de nombreuses images, il en était de même pour l’ampoule. J’ai découvert sur mes photos ratées qu’on n’apercevait pas l’enveloppe en verre de l’ampoule et que les seules vues où l’ampoule était bien visibles étaient celles où la mise au point était faite sur le filament. Ensuite, le réglage de l’exposition s’apparentait à un casse-tête chinois. Si je réglais le diaphragme et la sensibilité ISO pour que les insectes soient bien visibles sur le fond noir, l’ampoule était totalement brûlée. A l’inverse, lorsque le filament incandescent était correctement reproduit, tout le reste de la scène était plongé dans la nuit noire. Enfin, quand par chance un insecte se trouvait dans le plan net, il était tout de même flou car le temps de pose de 1/8000°sec n’était pas assez court pour figer les déplacements des ailes. En résumé, cette première séance de prise de vues autour d’une ampoule se soldait par un cuisant échec !
Apprendre de ses erreurs
La pratique de la photographie ultrarapide m’a appris à persévérer face aux difficultés, mais aussi à décortiquer les images ratées pour comprendre l’origine des problèmes et pour identifier un autre mode opératoire mieux adapté aux conditions de prise de vues. J’ai donc visualisé chaque photo de l’ampoule sur l’écran de mon ordinateur en mettant les données EXIF qui contiennent les réglages de l’appareil en regard de chaque image. J’ai constaté qu’il était bien préférable de faire le point sur le support du filament dans l’ampoule plutôt que sur la douille.
Par ailleurs, le déclenchement manuel de l’obturateur était bien trop aléatoire car les insectes présents sur chaque photo étaient flous. J’ai aussi compris qu’il allait falloir utiliser des flashs en complément de la lumière de l’ampoule mais j’hésitais quant aux réglages à adopter. Mes constatations me conduisaient sans doute possible vers un mode opératoire complexe. Et je sais d’expérience qu’il ne faut pas griller les étapes en tentant trop tôt une nouvelle séance de prise de vues avec du matériel et des réglages mal maîtrisés. Il est en effet bien préférable de réaliser une phase de test sans avoir le stress du cliché à réussir.
Tests préliminaires
La première nouveauté a consisté à placer l’ampoule à la hauteur de l’appareil afin de travailler plus confortablement. Je me suis fabriqué un petit support de douille en bois pour tenir l’ampoule à hauteur d’objectif. J’ai ensuite entrepris une série de tests d’éclairage autour de l’ampoule. Il fallait que j’associe l’éclairage au tungstène avec la lumière des flashs. J’ai donc équipé les flashs de filtres orangés pour disposer d’une température de couleur uniforme en provenance de toutes les sources de lumière. Les essais ont tout de suite montré que les flashs produisaient des reflets sur la surface du verre de l’ampoule. En testant différents angles d’éclairage, j’ai découvert qu’il était possible de cacher le reflet du réflecteur d’un flash placé près de l’axe optique dans la lumière du filament.
Mais je ne parvenais toujours pas à mettre en valeur le profil extérieur de l’ampoule qui restait désespérément sombre. J’ai alors eu l’idée de placer un autre flash en contre-jour. C’était la bonne solution ! La forme extérieure de la lampe s’est soudain illuminée et un superbe reflet montrant le galbe et le volume de l’enveloppe en verre est apparu en bas de l’image. Il faut noter que la tête zoom des flashs a été très utile pour concentrer la lumière sur la zone utile. L’éclairage en contre-jour est également très bien adapté pour magnifier les ailes translucides. Je m’attendais donc à un rendu agréable avec des insectes dans le champ.
Le recours au flash permet de plus de figer efficacement le mouvement avec un éclair très court mais cela impose de régler le boîtier sur sa vitesse maximale de synchro au flash. Avec mon boîtier Nikon, celle-ci est de 1/250°sec. Je craignais qu’à cette vitesse la lumière de la lampe, non négligeable par rapport à l’éclair de courte durée des flashs, ne produise des images fantômes trop présentes autour des ailes. J’ai donc abandonné mon matériel 24x36 au profit d’un appareil moyen format Hasselblad. Les objectifs Hasselblad sont équipés d’un obturateur central qui peut être synchronisé avec le flash à toutes les vitesses d’obturation. Cet équipement m’a permis de sélectionner le bon compromis vitesse - ouverture pour que l’exposition des insectes et de l’ampoule soit correcte tout en réglant les flashs pour obtenir une durée d’éclair d’environ 1/32.000° sec. Ce compromis m’a aussi permis de fermer le diaphragme à f/22 pour obtenir davantage de profondeur de champ et, ainsi, avoir plus de chance d’obtenir beaucoup d’insectes nets sur une seule et même vue.
L'installation finale
L’installation de tout l’équipement sur une table en extérieur prend une bonne vingtaine de minutes. Le cadre optique qui supporte la barrière lumineuse ainsi que l’ampoule est maintenu en position verticale par un solide trépied. Deux autres pieds plus légers sont utilisés pour les flashs. L’un des deux est placé en contre-jour. Enfin, l’appareil Hasselblad H4D-40 muni d’un 120 mm macro est monté sur un quatrième trépied. La barrière laser est reliée à l’appareil par l’intermédiaire d’un petit boîtier électronique aussi simple qu’efficace.
Afin de mettre toutes les chances de mon côté, j’ai relié l’appareil à un ordinateur portable. Celui-ci exécute le logiciel Phocus qui permet de prendre de contrôle du boîtier à distance et d’enregistrer les images immédiatement sur le disque dur. Cela permet d’oublier que chaque fichier Raw de 40 Mpix pèse entre 50 et 60 Mo ! L’ordinateur permet aussi de visualiser instantanément les résultats. Cette fonctionnalité a été très utile pour contrôler l’ajustement délicat de l’éclairage.