LA PROXIPHOTO AU 400 MM F/2,8
Lorsque j'ai tenté de photographier les libellules en plein vol, j'ai du faire face à de nombreuses nouvelles difficultés spécifiques à cet insecte et à son environnement. En premier lieu, il a fallu trouver une solution pour photographier à une plus grande distance qu'avec les papillons afin de ne pas perturber le vol des libellules beaucoup plus sensibles à leur environnement. Ensuite, il a été nécessaire de trouver des solutions pour s'adapter aux conditions de lumière du bord des étangs, souvent moins lumineux, et, donc, moins propices au travail en fill-in au flash, technique que j'utilisais souvent pour allier lumière naturelle et flash pour mes clichés de papillons en plein vol.
Gros plan au 400 mm
J’ai réalisé les premiers tests du 400 mm associé à mon matériel de prise de vues ultrarapides en hiver. J'ai du entreprendre de nombreuses séances de travail sur le terrain afin d’apprendre à maîtriser le rendu du 400 mm, en particulier dans les zones floues. J’ai principalement travaillé en lumière naturelle mais j’ai également mis en œuvre des flashs pour voir si le 400 mm apportait des contraintes spécifiques.
Ainsi, j’ai découvert que pour créer un contre-jour bien franc, il pouvait être nécessaire de placer un flash dirigé vers l’objectif à plus de 6 mètres du boîtier. Heureusement, la portée du module de contrôle des flashs sans câble SU-800 fonctionne encore très bien pour cette distance de travail et il n’est pas nécessaire de se déplacer jusqu’au flash pour ajuster un réglage. Avec un tel téléobjectif, il aurait été impossible de piloter les flashs par l’intermédiaire de câbles.
L’arrivée du printemps m’a permis de passer des essais aux premières vraies journées de photos ultrarapides au 400 mm. Afin de limiter les difficultés, j’ai commencé par un sujet que je maîtrise très bien: les papillons en vol. Après un premier week-end catastrophique, les premières images encourageantes sont arrivées grâce à un Vulcain puis grâce aux premiers Flambés de la saison. J’ai tout de même constaté que la faible profondeur de champ était délicate à maîtriser.
Mais lors de mes premières tentatives de photos de libellules en vol, un nouveau problème est apparu. En fait, l’une des qualités de ma barrière lumineuse se retournait contre moi et devenait très pénalisante. La lumière des Lasers que j’utilise se disperse instantanément dès qu’elle touche un objet même plus petit que le rayon ou dès qu’elle rencontre un objet translucide. Ainsi, une fine patte ou une aile transparente déclenchera à coup sûr l’obturateur. Dans des conditions normales, cela est parfait. Mais pour photographier des libellules avec un 400 mm f/2,8, rien ne va plus ! La profondeur de champ est tellement courte qu’il faut faire en sorte que ce soit la grosse tête de la libellule qui déclenche l’appareil mais pas une grande aile translucide placée en avant de la tête. J’ai donc eu besoin de diffuser légèrement la lumière en sortie du laser puis d’adapter la sensibilité de l’électronique de pilotage de l’obturateur. Ce travail m’a beaucoup retardé et je n’ai obtenu des premiers clichés intéressants qu’en toute fin de printemps.
UN BOKEH D'ENFER !
J’ai choisi le 400 mm f/2,8 dans l’espoir de découvrir de nouvelles ambiances crées par l’association de la lumière naturelle et de flashs utilisés en synchro haute vitesse. La pratique sur le terrain a démontré que ce sont les qualités du boîtier 24x36 en haute sensibilité qui ont fait fonctionner ce 400 mm face aux libellules en vol. Le réglage des ISO est devenu un paramètre de prise de vue au même titre que le diaphragme et la vitesse d’obturation. Ainsi, j’ai sélectionné des sensibilités comprises entre 200 et 1600 ISO sans me soucier de la qualité d’image. C’est ce qui m’a permis de vraiment me concentrer sur le rendu des arrières-plans éclairés avec précision par le soleil et le flash simultanément. Et lorsque la lumière est belle, le 400 mm offre, à pleine ouverture, des flous d’une incroyable progressivité avec des nuances à la fois douces et précises. Ce bokeh d’enfer ne réside donc pas uniquement dans les qualités de l’objectif. Il faut également choisir avec soin le point de vue pour magnifier l’arrière-plan. Il est important que le fond soit composé d’éléments placés à différentes distances derrière le plan net afin de ne pas voir apparaître une image trop lisse, trop uniforme. Il est intéressant de rechercher également les contre-jours car ils produisent des transitions dans les flous particulièrement graphiques.
Comparé à une optique macro classique, le 400 mm f/2,8 permet de cadrer plus large sans avoir de problème pour mettre en valeur le sujet principal. C’est une caractéristique fort intéressante pour réaliser des photos d’insectes en vol car le fait de situer l’animal dans son milieu permet de mieux comprendre comment se déroule l’action et quelle est la direction empruntée par la libellule.
Il est vrai que la voie que j’ai empruntée est à l’opposé des conseils qu’on donne pour pratiquer la proxiphoto. On a trop souvent tendance à lier directement les objectifs à un usage unique et à des sujets spécifiques. Ainsi, les optiques macro seraient réservées au gros plans, les 400 mm n’auraient d’utilité que pour le sport au bord des stades et il n’y aurait point de salut en photo animalière sans un 500 mm. Mais rien n’oblige de suivre ces conseils qui ne traduisent jamais que des tendances générales. En pratique, la photo n’obéit à aucun standard et tout est possible sans autre limite que l’imagination du photographe. Je trouve qu’il est passionnant d’explorer de nouvelles voies comme celle que j’ai empruntée cette année en plaçant un énorme 400 mm face à des petites libellules en vol.